C’est probablement LA scène dont tous les spectateurs de Call Me By Your Name parlent après avoir vu le film, la fameuse pêche ! Comment a-t-elle été conçue ? Qu’est-ce qu’elle signifie ? Les acteurs ont-ils tenté l’expérience ? On vous dit tout…
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C’est certainement le passage le plus surprenant du film Call Me By Your Name, l’un des plus bouleversants aussi, étrangement sensuel et délicat, et celui dont on parle le plus logiquement lorsqu’on débriefe le film entre amis. “La scène de la pêche”, comme on l’appelle désormais, fait couler beaucoup… d’encre, et elle a des petits secrets qu’il est temps que vous découvriez.
Pour ceux qui ne l’ont pas encore vue, voici une petite description : un après-midi d’ennui au coeur de l’été italien, le jeune Elio (Timothée Chalamet) cueille deux pêches dans le jardin fruitier de la maison familiale, et les emmène dans sa chambre. Après en avoir dévoré une, il regarde la deuxième qui trône près de son lit et se rend compte qu’elle ressemble à s’y méprendre à une paire de fesses. Pour rappel, l’action se déroule dans les années 80, bien avant que l’émoji pêche ne dévoile au monde entier la vérité sur la forme suggestive du fruit ! C’est alors que lui vient une idée, un peu saugrenue, de l’utiliser pour se masturber. Il retire le noyau de la pêche, y insère son pénis et jouit à l’intérieur. Satisfait et éreinté, il laisse la pêche ravagée sur son bureau et s’endort. Il est plus tard réveillé par Oliver (Armie Hammer), avec qui il entretient une relation passionnelle qui n’en est alors qu’à ses balbutiements, lequel découvre ce qu’il a fait, s’en amuse, avant qu’Elio ne fonde en larmes dans ses bras.
Que signifie-t-elle ?
Scène pivot du film, elle est avant tout l’expression physique, quasi bestiale, du désir ressenti par Elio, un adolescent dont les hormones sont en ébullition et qui doit faire face, chaque jour, à la vision certes agréable mais surtout frustrante d’un Oliver à moitié nu, l’objet de son affection qui lui paraît tantôt distant et inatteignable, tantôt joueur et interessé. Cette pêche est le réceptacle de son plaisir mais aussi ce qui devient métaphoriquement un pont entre eux, le fruit défendu qu’il les unit dans leur désir commun, et leur permet de passer à l’étape supérieure. Les larmes d’Elio à ce moment précis, c’est le rempart qu’il a construit autour de lui pour se protéger de la souffrance qui s’effrondre; il rend les armes et confie ainsi ses sentiments à l’être aimé. C’est en cela que cette scène, au-delà de son aspect cocasse et coquin, est extrêmement forte et primordiale.
Les acteurs ont leur petite idée sur la question et nous en ont parlé en interview :
Call Me By Your Name : "C'est le souvenir de quelque chose qu'on a tous vécu, les joies et les peines d'un premier amour"
Fidèle au roman ?
Ce passage était toutefois légèrement différent dans le roman dont le film est l’adaptation, du moins son aboutissement l’était, puisque de manière puissament significative, Oliver engloutissait la pêche avec gourmandise : “Je le regardais mettre la pêche dans sa bouche, puis la manger lentement en me fixant intensément au point où je me disais que même la relation sexuelle ne pouvait aller aussi loin.” Elio pleurait quand même aussi à la suite de ce moment, subermergé par l’émotion.
L’auteur André Aciman allait donc plus loin et choisissait de marquer ce passage avec encore plus de force, puisque Elio et Oliver ne faisaient alors temporairement plus qu’un, l’un dans le corps de l’autre. Et cela renvoie d’ailleurs aux philosophes chers à Oliver et au père d’Elio, Platon notamment, qui considéraient que l’amour était la recherche de la moitié de soi, pour former un tout. Le narrateur explique alors, avec quelques années de recul : “Pour moi ce geste signifiait : ‘Je crois au plus profond de moi qu’aucune cellule du ton corps ne doivent jamais mourir, et si elles doivent mourir, je veux que ce soit à l’intérieur du mien’.”
Le réalisateur Luca Guadagnino a d’abord pensé ne pas du tout conserver ce passage du livre : “Je ne voulais pas faire quelque chose de sensationnaliste, ou d’involontairement ridicule.” Il y avait en effet le risque que ce qui était magnifique à l’écrit ne passe pas du tout à l’écran. “Cela a été l’objet d’un long, très long processus.” Il a en revanche coupé d’autres moments, qui allaient assez loin et qui étaient effectivement compliqué à retranscrire, comme lorsqu’Elio est ivre lors de leur voyage à Rome et qu’il vomit dans la rue. Dans le roman, c’est Oliver qui met ses doigts dans sa bouche pour l’aider à régurgiter. Il y a un autre passage peu après où Elio demande à Olivier de le regarder déféquer… Le narrateur explique alors : “Je ne voulais aucun secret entre nous, aucun écran, rien qui puisse nous séparer.” Une vision de l’amour entière, totale, extrême.
Testée et approuvée ?
Avant de conserver la scène, Guadignino a tout de même voulu vérifier que cet acte qui lui paraissait impossible à réaliser était bel et bien faisable : “J’avais du mal à imaginer la possibilité qu’on puisse se masturber dans un tel fruit alors j’ai pris une pêche et j’ai essayé de le faire, et je dois dire… que ça marche !” Et il n’est pas le seul… Timothée Chalamet, avant de l’interpréter, s’est aussi posé beaucoup de questions : “Je suis allé voir Timothée et je lui ai dit ‘On tourne la scène parce que j’ai essayé et ça a marché’” et celui-ci lui a répondu : “J’ai essayé aussi et je sais déjà que ça marche !“. En revanche, l’histoire ne dit pas si Armie Hammer a également tenté l’expérience. Quoiqu’il en soit, messieurs, vous savez désormais ce qu’il vous reste à faire lorsque la saison sera venue…