Alors que France 2 diffuse ce soir un numéro de « Secrets d’histoire » consacré au fantasque cousin de l’impératrice Sissi, retour sur ces personnalités du showbiz influencées par l’extravagant monarque bavarois.
« Roi fou » pour les uns, « roi bâtisseur » pour les autres, Louis II de Bavière fut, pour réconcilier tout le monde, un roi perché. Perché dans ses châteaux kitsch, érigés comme d’improbables pièces montées au milieu de la verte nature bavaroise. Perché dans ses rêveries délirantes, symptomatiques d’une forme d’autisme. Fils aîné de Maximilien II de Bavière, héritier d’une monarchie constitutionnelle aux pouvoirs encore plus restreints après l’annexion de la Bavière à la Prusse en 1871, le cousin de Sissi n’eût de fait d’autre choix que de s’inventer un royaume parallèle, fantasque, imprégné par le romantisme et épris d’absolutisme, jusqu’à sa mort à l’âge de quarante ans – complot, suicide ou accident, les avis divergent encore – au château de Berg, où il fut interné, en 1886. Figure extravagante, solitaire et mystérieuse, cet admirateur de Louis XIV – se comparant tout aussi volontiers à Perceval, le mythique gardien du Graal – n’aura pas seulement marqué ses contemporains…
Walt Disney : Puisant allégrement dans les contes et légendes de la Vieille Europe, le cinéaste américain d’ascendance irlandaise, quatrième fils d’un ouvrier du bâtiment, s’est tout autant inspiré du château de Neuschwanstein, célèbre construction de Louis II de Bavière accrochée à un éperon rocheux, pour porter à l’image celui de la Belle au bois dormant, en 1959. Elément emblématique des parcs Disney à travers le monde et logo de la compagnie depuis plus de cinquante ans, cette « copie » est assumée et défendue : Louis II fit lui-même construire l’édifice selon l’imagerie chevaleresque de la Table Ronde.
Howard Hugues : Constructeur aéronautique lancé dans la production et la réalisation cinématographiques (Les anges de l’enfer, Le banni…), ce surdoué, longtemps désigné comme l’homme le plus riche des Etats-Unis jusqu’à sa disparition en 1976, connut une enfance et une fin de vie, étrangement similaires à celles de Louis II de Bavière. Comme le « roi bâtisseur », Hugues fut un enfant étouffé par sa mère et devint un adulte incompris, quasi abandonné à sa folie, après des années de réclusion volontaire. Si un rapport d’autopsie l’a déclaré mort des suites d’une insuffisance rénale, son testament – désignant l’Eglise mormone comme unique légataire de sa fortune estimée à plus de 2,3 milliards d’euros – a entretenu, comme pour Louis II retrouvé mort au côté de son médecin, la théorie d’un complot…
Luchino Visconti : En réalisant Ludwig, le crépuscule des dieux, avec un Helmut Berger incandescent de beauté et de folie, en 1972, soit quatre ans avant sa mort, le cinéaste italien n’a pas seulement signé le biopic le plus baroque sur le « roi fou ». Il s’est peut-être aussi offert un autoportrait fantasmé. Passionné par les chevaux et l’opéra, tout comme Louis II dont Richard Wagner fut le protégé, Visconti se tourna, après un projet de mariage échoué, vers des amours exclusivement masculines, tout comme Louis II qui fut rejeté par le père de sa cousine Sophie-Charlotte. Chez les deux hommes, élevés dans la rigueur et le faste de l’aristocratie, ferveur religieuse et attirance sexuelle furent difficiles à réconcilier, entraînant une certaine mystique de la déchéance.
Michael Jackson : Esthète enfantin, mégalo, ambigu et damné, le roi de la pop évoque de façon troublante le monarque bavarois, à tel point qu’une auteure québécoise, Catherine Mavrikaki, a souligné la symétrie de leurs destins dans un essai paru en 2010, De Louis II de Bavière à Michael Jackson : représentations de l’affection nerveuse du prince-artiste. Comme le cousin de l’impératrice Sissi, le chanteur fut dressé par un père sans affect pour imposer son règne. Même trauma, même symptômes : dans son royaume imaginaire de Neverland, Michael parlait aux animaux, faisait du manège la nuit et cultivait des affinités très électives. Dernière similitude : alors que Louis II de Bavière fut retrouvé sans vie auprès de son psychiatre Bernhard von Gudden, c’est sous l’œil de son médecin Conrad Murray que Michael Jackson tomba définitivement à la renverse le 25 juin 2009 …
Mylène Farmer : « Je veux demeurer un mystère pour les autres comme pour moi-même. » Impossible pour la rousse libertine de ne pas se reconnaître dans cette citation du « roi fou ». Ame romantique, pasionaria de la cause animale, personnage androgyne à ses débuts et star encore insaisissable à ce jour, la chanteuse, fascinée par « les aliénés » de l’histoire, n’a pas manqué de dédier son tout premier 45 tours, Maman à tort, au « martyr de la raison » comme l’a qualifié Paul Verlaine. Tourné autour de l’étang de l’abbaye de Chaalis, dans l’Oise, en janvier 2013, le clip de sa ballade Je te dis tout est une autre évocation, plus subtile, de Louis II de Bavière, jamais revenu vivant d’une promenade sur les berges du lac de Starnberg.
Stéphane Bern : Bien avant de lui consacrer un numéro de « Secrets d’histoire », l’animateur a pris plaisir à incarner l’héritier de la maison de Wittelsbach, dans Celles qui aimaient Richard Wagner, film de Jean-Louis Guillermou sorti dans les salles en novembre 2011. Aussi francophile, raffiné et excentrique que Louis II de Bavière, le fringant Luxembourgeois partage surtout avec le « roi bâtisseur » un amour pour la pierre : il y a trois ans, il a ainsi acquis l’ancien Collège Royal de Thiron-Gardais, dans le Perche. De la même façon que Louis II entretenait ses rêveries sous les voûtes de Neuschwanstein, Stéphane profite de son « château », construit sous Louis XVI et sauvé in extremis de la ruine, pour se consacrer pleinement à l’écriture.
Olivier Rousteing et Karl Lagerfeld : Surnommé le « petit prince de la mode », le directeur artistique de la maison Balmain l’a d’abord réveillée en douceur, avant de la cravacher à grands coups de broderies baroques, d’épaules galonnées, de tailles ceinturées et de cuissardes conquérantes, très « Louis II de Bavière sous acide » selon certaines journalistes de mode. En décembre 2014, sous les lustres du château de Leopoldskron, en Autriche, Kaiser Karl a, lui, présenté une collection les métiers d’art de Chanel très inspirée par Sissi et son cousin adoré. Capes, rubans, tweeds, mousselines… L’espace d’un soir, une autre vie de château apparaissait en filigrane.