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« Paris est une fête » d’Ernest Hemingway, symbole de résistance

Le 14 novembre, Danielle, une septuagénaire venue se recueillir sur les lieux des attentats parisiens de la veille invitait ses concitoyens à relire Paris est une fête d’Ernest Hemingway. Depuis, l’ouvrage a pris valeur de symbole.

“Le niveau de culture des Français baisse” n’a-t-on de cesse d’entendre un peu partout depuis quelques années en constatant avec dépit le massacre de la langue française en place publique. Pourtant il semble bien que ce soit dans les livres que la population trouve refuge après les violents attentats qui ont secoué le pays les semaine du 7 janvier et du 13 novembre.

Au lendemain de l’attaque de Charlie Hebdo au début de l’année, certains avaient exhumé un auteur classique et fait du Traité sur la tolérance de Voltaire, une arme contre l’ignorance, contre la violence. L’ouvrage avait alors d’autant plus de poids que Charb, l’un des dessinateurs tués sous les balles des frères Kouachi, s’en était inspiré en 2012 pour un recueil de chroniques acides Petit traité d’intolérance, réédité peu après les attentats de janvier.

Le week-end dernier, Danielle, une septuagénaire outrée par la violence terroriste du 13 novembre lâchait quelques mots spontanés au micro de BFMTV. Elle invitait alors quiconque l’entendait à relire Paris est une fête d’Ernest Hemingway, publié post-mortem en 1964. Son intervention avait tellement touché la France qu’une cagnotte internet avait été mise en place pour lui offrir des fleurs. Au-delà des fonds bien plus importants que prévu ainsi récoltés qui seront reversés à des associations d’aides aux victimes, “Mamie Danielle” a surtout réveillé l’instinct culturel des Français, lesquels ont rapidement brandi l’ouvrage comme un manifeste à la liberté, à la joie de vivre et à la paix. La France entière s’est ruée sur le livre, le plaçant en tête des ventes en ligne sur Amazon, et forçant l’éditeur à réimprimer une vingtaine de milliers d’exemplaires.

Pour Pierre Assouline, journaliste et écrivain membre de l’académie Goncourt interviewé par nos confrères de l’AFP: “Moins que le récit lui-même, c’est sans doute le titre du roman d’Hemingway, Paris est une fête, qui est symbolique, alors que c’est le message de l’essai de Voltaire, son contenu politique et moral, qui était la réponse aux attentats de janvier”. A défaut de le lire, Paris est une fête fait office de talisman contre la barbarie, qui rappelle combien la culture est importante, a fortiori pour une nation comme la France, “de tradition littéraire”, tel que le rappelle l’académicien.

Antoine Leiris argumente lui aussi en faveur de la culture contre la violence et l’ignorance. Papa d’un petit garçon de 17 mois, il a perdu sa femme dans l’attaque sanglante du Bataclan le 13 novembre. Sur les réseaux sociaux il a rapidement posté un long message à l’adresse des terroristes: Vous n’aurez pas ma haine. Il y explique entre autre ce à quoi il aspire pour son fils: “l’aider à garder les yeux ouverts sur la culture, sur les livres, lui donner les armes pour qu’il tienne debout. Mais des armes de papier, de pinceaux, de notes de musique, et pas des kalachnikovs.”