Difficultés de communication, repli sur soi, trouble du comportement… L’autisme perturbe plus ou moins gravement le comportement social des personnes atteintes. Or selon une étude française récente, l’administration d’une hormone, l’ocytocine, permettrait de diminuer ces troubles.
Une hormone de l’attachement affectifL’
ocytocine est une hormone sécrétée par le cerveau connue et étudiée depuis des années pour son rôle dans le déclenchement de l’accouchement et l’allaitement. Mais plusieurs études ont également montré qu’elle était impliquée dans l’attachement affectif, la gestion des sentiments, de l’anxiété, plus globalement le comportement social et émotionnel.Ainsi en 2005, plusieurs chercheurs suisses ont démontré, selon un travail
publié dans la revue Nature (1), que l’administration d’ocytocine par voie nasale améliorait “substantiellement“ la confiance entre les sujets, ce qui facilite leurs relations sociales : grâce à la prise d’ocytocine, il leur est plus facile d’accepter les risques sociaux liés aux relations entre les personnes. Une autre étude suisse,
publiée fin 2008 (2), a montré que l’administration d’ocytocine permet d’améliorer la communication des couples qui se disputent.Autisme et apparentés : une amélioration des relations socialesAfin de savoir si cette hormone pouvait aussi améliorer la communication et les relations sociales en cas d’autisme, l’équipe d’Angela Sirigun du Centre de neuroscience cognitive (CNRS) à Lyon, en collaboration avec celle du Pr. Marion Leboyer (pôle psychiatrie du CHU deCréteil), ont administré de l’ocytocine par voie nasale (ou du placebo) à 13 patients. Ils souffraient d’une forme d’autisme dite de haut niveau ou du syndrome d’Asperger (proche de l’autisme), c’est-à-dire qu’ils avaient des aptitudes intellectuelles et linguistiques normales mais des relations sociales perturbées (évitement systématique du regard par exemple, difficulté de compréhension des affects, etc.).
Les patients ont été invités à jouer, par groupes de 4, avec une balle. Sous placebo, ils renvoyaient la balle indistinctement à leurs 3 partenaires. Sous ocytocine par contre, les patients ont renvoyé la balle au partenaire le plus coopérant, ayant saisi qu’il serait le mieux à même de l’attraper et de la renvoyer.Autre expérience, la mesure du degré d’attention aux expressions du visage. Sous placebo, les personnes autistes, devant une photo de visage, regardent juste la bouche ou en dehors de la photo. Mais après administration d’ocytocine, ils regardent vraiment les visages, en particulier les yeux des personnes photographiées !Ces tests prometteurs démontrent donc que l’administration d’ocytocine permet aux patients de mieux s’adapter au contexte social, de mieux différencier les comportements et d’agir enconséquence, en accordant leur confiance aux pluscoopérants tout en diminuant la peur de l’autre.Ces travaux, qui demandent bien sûr une confirmation sur un plus grand nombre de patients (dose nécessaire,conséquences d’une prise au long cours, etc.), ouvrent donc une perspective thérapeutique intéressante pour ce trouble, qui affecte plus ou moins profondément plusieurs dizaines de milliers de personnes en France, ainsi que leurs proches.Jean-Philippe Rivière
Sources :
(1) “Oxytocin increases trust in humans“, Nature 435, 673-676, 2 juin 2005, résumé
accessible en ligne
(2) “Intranasal oxytocin increases positive communication and reduces cortisol levels during couple conflict“, Biological Psychiatry, novembre 2008, résumé
accessible en ligne
(3) “Autisme : l’administration d’ocytocine améliore le comportement social des patients“, CNRS, communiqué de presse, 12 février 2010