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« Refaire "Evangelion" s'est imposé comme une évidence, mais maintenant c'est fini », confie son créateur Hideaki Anno

Evangelion : 3.0+1.01 : Thrice Upon a Time est le quatrième et dernier film du projet Rebuild of Evangelion, et il est disponible avec les trois précédents sur Prime Video.Avec ces films, le créateur et réalisateur Hideaki Anno revisite sa série culte et monument de la japanime avec plus de budget et une nouvelle fin.Aussi rare qu’insaississable, Hideaki Anno s’est confié à 20 Minutes, une interview exclusive pour la France.

Monument de l’animation japonaise, série légendaire des années 1990 et objet de fascination pour les fans, Neon Genesis Evangelionn’a jamais cessé d’influencer, voire de hanter, la culture pop, et plus particulièrement la culture otaku dont elle se faisait à la fois la célébration et la critique. Venus voir des robots géants sauver le monde, les spectateurs et spectatrices repartaient terrassés par le spleen adolescent et une crise existentielle. L’arrivée de la série, et des films Death (True) ² et The End of Evangelion, en streaming en 2019 sur Netflix était déjà une occasion de la revoir pour les nostalgiques et de la découvrir pour les nouvelles générations.

Mais c’est sur une autre plateforme, sur Amazon Prime Video, que le véritable événement a lieu vendredi avec la diffusion exclusive et mondiale du film Evangelion : 3.0+1.01 : Thrice Upon a Time, quatrième et ultime film du projet Rebuild of Evangelion. Les trois précédents, déjà disponibles en DVD et Blu-ray chez Dybex, sont également sur Prime Video dans leurs versions définitives. Si le pitch de départ est le même, Rebuild of Evangelion permet à son créateur et réalisateur Hideaki Anno de « reconstruire » Evangelion au plus proche de sa vision d’origine, sans problème de budget et avec une fin différente, définitive. Car Evangelion est indissociable de Hideaki Anno, comme Twin Peaks peut l’être de David Lynch.

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Le résultat n’est pas vraiment un reboot ou un remake, mais un Evangelion nouveau, autre, qui vient compléter, éclairer la série originale, mais aussi la personnalité « originale » de son auteur. Assez rare en interview, Hideaki Anno s’est pourtant prêté à l’exercice lors d’une table ronde, une exclusivité 20 Minutes pour la France.

Après la série et les films « Death (True) ² » et « The End of Evangelion », pourquoi avez-vous ressenti le besoin de revisiter « Evangelion » 20 ans plus tard ?

Au début des années 2000, quand il a fallu réfléchir à mon nouveau projet, Evangelion s’est imposé comme une évidence. J’ai essayé de travailler sur d’autres idées, mais à chaque fois, elles ressemblaient à Evangelion. J’avais encore des choses intéressantes à faire avec la franchise, ou plutôt à refaire. Je ne voulais pas la même fin. Les temps ont changé depuis la série, le monde est différent, je suis différent, à une autre place dans ma vie.

Le dernier film a mis 10 ans à se faire, pourquoi était-ce si long ? Étiez-vous moins connecté à la franchise, aux personnages ?

Le troisième film, Evangelion 3.0 You Can (Not) Redo, m’a laissé dans un état pas possible, j’étais cassé. J’ai pris beaucoup sur moi pour le finir, mais il m’a affecté plus que je l’aurais pensé à la fois physiquement et mentalement. J’avais besoin de prendre mes distances pour un temps, de travailler sur autre chose pour me retrouver et me confronter à nouveau à Evangelion. Sans ce projet [le film live Shin Godzilla], je pense que je ne serais jamais revenu.

Vous avez tourné plusieurs films live, cette expérience a-t-elle eu une influence sur les films « Evangelion » ?

L’animation a pour seule limite ce que tu veux raconter. Moi, j’ai toujours utilisé les techniques de prises de vues réelles dans le processus d’animation. Ou quand je ne pouvais pas encore, je le gardais toujours en tête. Pour le quatrième film, Evangelion : 3.0 +1.01, j’ai pu employer les dernières avancées technologiques, comme la motion capture par exemple.

Avoir plus de budget vous a-t-il permis d’accomplir des choses impossibles à la télévision ?

C’est vrai que j’ai eu un sacré budget pour les films Rebuild, mais il y avait beaucoup de choses que je voulais faire, comme les prévisualisations des scènes d’action. Un processus difficiel, coûteux et impossible sur une série télé. Mais je n’ai pu avoir un tel budget uniquement parce que c’est Evangelion. Je ne suis pas sûr que j’aurais l’occasion de retravailler avec un budget de cette envergue, les opportunités sont rares au Japon et il faut que ce soit raccord avec mes idées. De toute façon, je vais me focaliser sur le live action pour un temps, et peut-être revenir à l’animation, un jour.

Quelle est la différence principale au sujet du héros Shinji entre la série et les films, et quel message voulez-vous faire passer à travers lui ?

Dans la série, Shinji n’était pas prêt à affronter le monde. Il n’était capable que de parler de sa propre histoire, dans un réflexe de survie presque égoïste. Dans les films, il est plus mature, est capable de regarder autour de lui et d’aider les gens qui l’entourent. S’il y a une différence, elle se situe là.

La série « Evangelion » a-t-elle pu être mal interprétée, qu’en pensez-vous en tant que créateur ?

C’est le propre des œuvres, d’être interprétées, voire mal interprétées. Cela arrive tout le temps. Nous créons des univers, des histoires, des personnages, mais comment ils vont être reçus dépend vraiment des gens. Les personnes souffrant d’anxiété ont pu ainsi se sentir plus proche de Shinji, de son mal-être, et recevoir plus fort la série et ses thèmes. Mais nous voulons toucher tout le monde.

Pourquoi, selon vous, « Evangelion » est-il si important pour certains fans ? Vous attendiez-vous à un tel succès hors du Japon ?

Lorsque nous avons réfléchi et construit la série avec l’équipe et le casting, notre moteur était d’être toujours plus intéressant. Nos séances de brainstorming nous ont amenés à nous remettre en question, à repousser nos limites. Donc quand les spectateurs et spectatrices ont commencé à se passer le mot, à débattre de la série, à se la réapproprier, c’était assez excitant à voir. Après, je suis japonais et m’adresse avant tout au public japonais. Que la série voyage hors du Japon et touche autant de monde a été une vraie surprise. Une heureuse surprise.

Comment vous sentez-vous maintenant que vous en avez fini avec « Evangelion » ? Si vous en avez vraiment fini bien sûr.

Je ne peux parler que pour moi, mais oui, l’histoire d’Evangelion est bel et bien terminée. Je ne continuerai pas. Une fois le dernier film fini, j’ai ressenti un calme intérieur, une sorte de libération. Reste que du pur point de vue de l’histoire, il y a cette ellipse de 14 ans au début du troisième film, et donc le potentiel de raconter quelque chose, sous quelque forme que ce soit. Mais je n’en ai pas le désir actuellement, je ne le sens pas pour être tout à fait honnête.

Si l’animation en général, et japonaise en particulier, a toujours eu du succès, elle connaît une popularité record avec le boom des services de streaming. Qu’en pensez-vous ?

L’animation est, selon moi, le meilleur média pour transposer les imaginaires en images, et donc pour créer des mondes entièrement de fiction. Elle a donc le potentiel de traverser les frontières, les cultures… Il ne faut pas oublier qu’à une époque pas si lointaine, les dessins animés étaient considérés, et souvent destinés aux enfants. Mais cela a changé, l’animation est maintenant pour tous, pour les adultes, et la démocratisation des plateformes et des séries en est la preuve.

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