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Ressortie Série noire : quand l’écorché vif Patrick Dewaere donne tout pour le rôle

A l’occasion de la ressortie de “Série noire”, gros plan sur ce drame d’une noirceur sans égale et plus particulièrement sur l’investissement hors normes de son interprète principal, Patrick Dewaere.

Série noire de Alain Corneau

Avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Marie Trintignant…

De quoi ça parle ? Frank, représentant de commerce, traîne son existence minable dans la triste banlieue parisienne. Ce porte-à-porte laborieux fait bientôt la rencontre de Mona, une adolescente de 17 ans. Ils se découvrent alors un même but : fuir leur morne condition, quitte à employer les moyens les plus… expéditifs !

Adapté d’un roman de l’auteur américain Jim Thompson, Série noire (1979) est le quatrième long métrage d’Alain Corneau. Le réalisateur, qui avait à l’époque acquis une certaine reconnaissance dans le milieu après les succès commerciaux estimables de Police Python 357 (1977) et La Menace (id.), désirait faire un film dans la veine réaliste du Mean Streets de Martin Scorsese, sans musique (mais avec des tubes de l’époque), tourné dans des décors réels (la grisaille de Saint-Maur-des-Fossés en banlieue parisienne) et avec des acteurs extrêmement impliqués. Cerise sur le gâteau : il ne voulait pas faire le long métrage sans Patrick Dewaere dans la peau du personnage principal. C’est d’ailleurs à cet acteur qu’il a pensé tout au long du processus d’écriture de Série noire.

Les deux hommes ont commencé par se rencontrer pour parler du projet dans un bistrot. Dewaere s’est alors jeté sur le scénario et a contacté Corneau le soir même, à deux heures du matin précisément, pour lui dire qu’il voulait absolument le rôle. Il s’agit en effet du projet que la tête d’affiche de Coup de tête attendait depuis toujours, du fait de sa parfaite adéquation entre le cinéma de genre et d’auteur, mais surtout à cause du personnage de Frank, un écorché vif comme lui. Pendant les semaines précédant le tournage, le comédien n’a eu de cesse de parler du film et de son rôle, que ce soit à son entourage ou aux journalistes. Preuve de cette obsession : il vola un imperméable gris dans le Tati de Barbès alors qu’il se promenait dans le célèbre quartier parisien, pensant qu’il serait parfait pour habiller le personnage.

Sur le tournage, Dewaere était comme possédé et semblait ne faire qu’un avec Frank. Il n’hésitait pas à utiliser ses souffrances les plus profondes pour “donner vie” au personnage, confondant ainsi de manière permanente réalité et fiction (cet investissement hors normes lui a même fait perdre dix kilos en quelques semaines). En témoigne par exemple la fameuse scène où il se cogne la tête contre le capot d’une voiture : si elle apparaît comme étant tellement vraie, c’est parce que Dewaere s’est réellement frappé le visage contre le véhicule. L’acteur avait dit au réalisateur : “Soyez prêts parce qu’il ne faut pas que je la refasse trop…”, alors qu’il faisait moins quinze degrés dans ce terrain vague, le matin où la scène a été mise en boîte (source : “Patrick Dewaere, une vie” de Christophe Carrière).

La séquence où Frank tue sa femme (interprétée par Myriam Boyer, une actrice avec qui il s’entendait très bien) de manière très violente a été elle aussi extrêmement dure à faire. Après la scène, Dewaere est rentré chez lui, dans un état second. Des amis lui ont alors demandé ce qui n’allait pas, faisant ainsi exploser l’acteur qui a hurlé : “Mais vous vous rendez compte qu’aujourd’hui j’ai tué quelqu’un ? Ce n’est pas rien de tuer quelqu’un !” (source : id.).

Au final, Série noire a fait 890 578 entrées lors de sa sortie en salles, ce qui est un joli score compte tenu de la nature du film, mais a surtout marqué le paysage cinématographique français pour plusieurs raisons : sa noirceur extrême, son pessimisme sans appel et son style documentaire faisant penser aux meilleurs films du Nouvel Hollywood (Corneau a d’ailleurs filmé avec deux voire trois caméras pour tout capter, ce qui était quelque chose de rare à l’époque). Mais le long métrage n’aurait pas été à ce point une réussite sans Dewaere dans le rôle principal. De par son engagement sans limites, l’acteur a livré une performance qui fait froid dans le dos et qui restera à jamais gravée dans les annales.

In Memoriam 2010

 

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