En salle ce mercredi, “L’insoumis” brosse le portrait de Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France Insoumise alors lancé dans la campagne présidentielle en 2017. L’occasion de revenir sur trois fascinants portraits politiques livrés au cinéma.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la personnalité de Jean-Luc Mélenchon est plutôt clivante. Avec ses hauts, ses bas, son humour, et sa virulence, il est un vrai personnage de film. Qu’il soit haï ou adulé, il ne laisse personne indifférent. Sa campagne présidentielle de 2017 n’a ressemblé à aucune autre dans le paysage politique contemporain. C’est durant ces moments intenses de sa vie, et de celle de la France, que le réalisateur Gilles Perret l’a accompagné au plus près. Une période aussi propice à la découverte des côtés moins connus d’un homme indissociable de sa pensée politique.
Pourtant, convaincre cet animal politique de se laisser filmer pendant trois mois n’allait pas forcément de soi. A l’origine de cette volonté qu’a eue Gilles Perret se situe une rencontre marquante. Le réalisateur ne connaissait pas personnellement cet homme politique avant qu’il ne fasse son interview pour les besoins du film Les Jours heureux et qu’il vienne voir La Sociale. “J’ai tout de suite été frappé par sa personnalité et le ton très direct qu’il a donné à nos discussions. C’est un affectif. Dès les premiers échanges, on sent qu’on a affaire à quelqu’un qu’on peut aimer ou détester, mais qui ne laisse surtout pas indifférent. Et, en ce sens, c’est un vrai personnage de cinéma. Par ailleurs, j’ai toujours été un passionné de politique et avoir la possibilité de me glisser à l’intérieur d’une campagne électorale, c’était un rêve qui trouvait là l’occasion de se réaliser” expliquait le cinéaste. Et d’ajouter : “J’ai précisé que je travaillerais seul, au plus proche, pour être vraiment dans l’intimité de sa campagne. Pas facile pour lui d’accepter de se faire filmer de cette façon à un moment où tout est exacerbé et où les enjeux sont énormes. Il fallait une confiance réciproque et un respect mutuel. Il a commencé par me lister tout ce qui allait mal se passer : les complications qui naîtraient, sa difficulté présumée à me consacrer du temps, son caractère, etc. Devant mon indifférence face à ces faux problèmes, il a fini par me dire : « Puisque c’est toi, d’accord ! » — mes films et mon point de vue assumé semblaient lui convenir.”
Ci-dessous, la bande-annonce de “L’insoumis”, en salle ce mercredi…
L'Insoumis Bande-annonce VF
Le cinéma a toujours été fasciné par la politique. L’inverse est tout aussi vrai. On trouve ainsi -et heureusement- des documentaires capables de dévoiler la vraie nature du pouvoir et ses moeurs politiques, son cynisme, sa cruauté, son clientélisme aussi, comme une radiographie implacable. Voici trois exemples de documentaires-portraits consacrés à des politiques.
1974, une partie de campagne
Le service de communication de Valéry Giscard d’Estaing avait résolu de souligner la jeunesse et la modernité du candidat aux présidentielles de 1974 en faisant une campagne “à l’américaine”. Le modèle était alors Primary, un documentaire signé par l’américain Richard Leacock, qui suivait en 1960 la campagne présidentielle de John Fitzgerald Kennedy. Valéry Giscard d’Estaing lui-même prit l’initiative de se faire accompagner d’un preneur d’images et contacta à cet effet Raymond Depardon.
C’est un photographe expérimenté mais un cinéaste novice qui accepte de filmer Giscard d’Estaing en campagne en 1974. Car à cette époque, Raymond Depardon n’a encore jamais réalisé de long métrage documentaire. Il accepte la commande et s’engage à tourner sans contrat et sans salaire, l’ingénieur du son seul étant rétribué. Raymond Depardon s’inspire fortement du cinéma direct venu des Etats-Unis mais réussit en plus à suivre l’homme politique dans les coulisses de ses meetings. Le film ne doit au départ concerner que le premier tour de l’élection mais le réalisateur et VGE décident de continuer pour inclure le second tour. Depardon décide alors de tourner dans la continuité, en coupant le moins possible.
Une fois élu, VGE verra quatre fois le film. la première sur la table de montage, les suivantes en salles de projection. De prime abord séduit par la résultat, il se montre finalement de plus en plus embarrassé par le film : il est gêné par une colère qu’il a contre Michel d’Ornano (le Ministre de l’Industrie et de la Recherche), par la familiarité qu’on ressent dans le film, ainsi que par certains détails. Il finit par ne plus donner de nouvelles, pendant cinq ans, au réalisateur, selon l’intéressé interviewé par Antoine de Baecque en 2002. Mais quand ce dernier tente de sortir le film en 1979, VGE engage une action judiciaire en référé qui fait renoncer Depardon à cette sortie.
Finalement, c’est la journaliste Christine Masson qui convainc Valery Giscard d’Estaing d’accepter une sortie du film en 2002, soit 28 ans après les faits ! Il accepte à condition de rajouter une présentation de sa part en début de film. Au titre original, qui était “50,81%” (qui correspond au score de Giscard au second tour de la présidentielle de 1974), l’ancien président propose de substituer La Victoire en chantant, ce que Depardon refuse. Le réalisateur propose 1974 et finalement l’ancien président rajoute “Une partie de campagne”.
Mélangeant improvisations et parfois hésitations, adoptant un ton neutre et même dépolitisé, 1974, une partie de campagne ne dessine toutefois pas un portrait particulièrement sympathique de VGE.
Ci-dessous, un extrait du documentaire…
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Général Idi Amin Dada : Autoportrait (1974)
En 1971, un coup d’Etat chasse du pouvoir le président de l’Ouganda Milton Obote. Le général Idi Amin Dada le remplace. Commence alors un règne de huit ans de terreur absolue, d’un régime qui fera plus de 300.000 morts. General Idi Amin Dada est un exemple assez unique. Il s’agit en effet d’un autoportrait, que le réalisateur Barbet Schroeder proposa à l’intéressé. Séduit par le projet, fasciné par Hitler et son oeuvre de propagande le Triomphe de la volonté, Amin Dada donnera carte blanche au cinéaste, qu’il voit un peu comme son Leni Riefenstahl. Se mettant en scène, le dictateur se révèle parfois drôle, cruel, jovial, séducteur, menaçant. “Je pense que c’est un film unique, parce qu’il est très rare, pour ne pas dire unique, de pouvoir approcher un dictateur comme cela. Il est réussi grâce à l’innocence du personnage que nous avons exploité; c’est grâce à ça que nous avons pu le faire. C’est sans doute la seule chose qui me fait sentir un peu mal à l’aise. Mais quand je pense à toutes ses victimes, je me sent mieux !” dira le cinéaste.
Insatisfait du résultat à la sortie du documentaire, Idi Amin menaça de s’en prendre à 150 ressortissants français expatriés en Ouganda si Barbet Schroeder n’effectuait pas les coupes qu’il réclamait. Le cinéaste s’est exécuté. Elles sont au nombre de trois, pour une durée totale de 2min 21 secondes. Le première concerne d’ailleurs le tout début du documentaire, une scène d’éxécution publique, avec une voix off expliquant que le régime d’Amin Dada est à l’origine de plusieurs milliers de disparitions de personnes. Selon le tyran, il n’y avait pas de prisonniers politiques en Ouganda, et les personnes disparues se cachaient en fait à Londres… Peu après la chute d’Amin Dada en avril 1979, Barbet Schroeder réintègrera les images coupées.
Sans jugement et sans prendre partie, General Idi Amin Dada est un extraordinaire documentaire, grâce -ou à cause de- son interprète principal. Un hallucinant et pathétique Ubu roi, qui se fend même d’un petit air d’accordéon pour accompagner musicalement cet autoportrait.
Ci-dessous, un extrait du documentaire…
Le Président (2010)
Passionné depuis toujours par la politique, le réalisateur Yves Jeuland avait déjà tourné un documentaire sur les élections municipales de Paris en 2001 pour “Canal Plus”. Alors qu’il tourne son film Un village en campagne en 2008, il croise par hasard Georges Frêche, qu’il avait toujours voulu filmer. Il profite donc des élections régionales de 2010 pour mettre en lumière ce qui restera le “dernier combat” de Frêche. Si l’homme le fascine, Jeuland ne brosse pas pour autant un portrait militant de celui que l’on surnommait “l’empereur de la Septimanie”, qui décèdera deux mois avant la sortie du documentaire.
Six mois durant, la caméra d’Yves Jeuland n’a pas quitté George Frêche. Partout, hors champs et contrechamps, son oeil était là, dans le secret des conciliabules et les fins de banquet, face aux ténors des médias, dans son bureau, dans sa voiture, au saut du lit comme au bord de sa piscine. Escorté de ses deux conseillers, Georges Frêche se révèle un formidable animal politique, un grand acteur rabelaisien, matois et provocateur, volontiers démagogique, cynique, parfois irritant mais aussi attachant. Le Président ou un captivant documentaire politique, débarrassé du commentaire en voix off qui alourdit parfois la narration dans certains documentaires. Ici, les images se suffisent largement à elles-mêmes.
Le Président Bande-annonce VF