De notre envoyé spécial à Tokyo,
Drapeaux en berne ce matin à Pékin et réunion de crise au bureau central du Parti communiste chinois. L’équipe nationale a paumé en finale du double mixte de tennis de table. Un affront intolérable pour un pays qui confisque les médailles d’or de la discipline et qui exporte ses doublures un peu partout. Deux chiffres parmi d’autres qui parleront mieux que nous : 28 médailles d’or sur 33 remportées depuis l’apparition du ping aux JO, en 1988, et une finale exclusivement chinoise chez les hommes depuis Athènes, en 2004.
Allez, un troisième pour la route : à Rio, il y a quatre ans, le New York Times avait calculé que 44 athlètes engagés dans le tableau olympique étaient nés en Chine, soit 30 % des participants, dont la plupart avaient choisi de tenter leur chance à l’étranger, vu le niveau démentiel au pays. C’est du tout cuit, donc, quand on se raconte l’histoire de loin.
Un tournoi interne déstabilisant en mai
La preuve que non. Liu Shiwen et Xu Xin avaient envie de se cacher dans un sous-sol du Tokyo Metropolitan Gymnasium lundi soir. « Peu importe ce qui a pu se passer avant, c’est l’image du podium qui compte, et nous ne sommes pas sur la première marche. L’issue, pour toute notre équipe, est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter », reconnaissait ce dernier, livide en conférence de presse. La clique d’officiels de la délégation qui s’étaient massés précipitamment en tribunes à deux sets partout, alertés par le danger, avait quitté les lieux depuis longtemps.
Cela devait artiller sévère dans la presse officielle chinoise de mardi, alors qu’il reste quatre médailles en jeu cette semaine. Celle qui arrive jusqu’à nous s’était déjà fâchée tout rouge il y a ça deux petits mois, osant anticiper la possibilité d’un échec retentissant au Japon. La cause de cet émoi national inédit ? La victoire de Zhou Quiao lors d’un tournoi interne en mai.
Zou qui ? Peu importe, retenez juste que le gars est 122e mondial et qu’il a tapé en chemin Fan Zhendong, le numéro 1 mondial, et Ma Long, le champion olympique en titre, soit les deux champions sélectionnés pour Tokyo, qu’on ne peut pas soupçonner d’avoir été retenus au piston. Chez les filles, les championnes du monde et olympique en titre ont été gentiment priées de rester à la maison pour cette fois, battues par meilleures qu’elles.
La déflagration Zou Quiao avait ému jusqu’à Lio Guolian, président de la fédération chinoise, obligé d’organiser en catastrophe un dernier tournoi de préparation maison fin juin pour remettre en confiance ses garçons. « Nos excellents résultats passés ne peuvent pas servir de base à ce qu’on va faire à Tokyo, avertissait la légende vivante du ping à cette occasion. J’ose espérer que nos athlètes et le coach ne ressentent pas un trop grand poids sur les épaules à cause des attentes des fans qui veulent que la Chine remporte les cinq médailles d’or en jeu. D’autant que le fait d’évoluer à domicile peut être une grande motivation pour le Japon ». Bien vu.
La menace japonaise
Car au-delà des faiblesses chinoises, il existe pour la première fois depuis les années 1990 l’idée d’une puissance collective capable d’ébranler le monopole des despotes du tennis de table. Les Japonais, donc, qui, même privés au dernier moment du soutien populaire, s’avancent conquérants derrière leurs deux stars montantes : l’épatant Tomokazu Himaroto, 4e mondial à 18 ans, et Mima Ito, 2e mondiale chez les femmes. Le premier n’était même pas aligné dans la paire qui a maté les Chine en double mixte. Jean-Nicolas Barrelier, DTN du ping français, décrypte :
Le Japon est une nation qui monte en puissance de manière très importante. Ce n’est pas une grande surprise, on parle d’un pays qui a une grande culture du tennis de table et qui a fait des choix stratégiques vers la haute performance. Ils ne sont pas favoris, mais ils ont montré qu’ils sont en capacité de bousculer les chinois. »
Et Barrelier de poursuivre : « Quand on est nation hôte, il y a beaucoup de choses qui peuvent se dénouer, une dynamique particulière peut se créer, et là… On y est. »
The International Table Tennis Federation (ITTF) has agreed to move away referees’ tables back by 50 centimeters in the table tennis events at the Tokyo Olympics to increase the width of the undersized field. pic.twitter.com/0EZ3X5vwl0
— Sports China (@PDChinaSports) July 23, 2021
Des plaintes qui font sourire
Avant même la débandade du mixte, les premiers indices d’une certaine fébrilité de l’équipe chinoise s’étaient multipliés ces derniers jours. Comment expliquer, sinon, ces récriminations rocambolesques sur la taille des aires de jeu autour des tables de la part de M.Liu, entraîneur en chef : « Aux mondiaux c’est 7 mètres sur 14, ici 6 sur 11. Je suis inquiet au niveau de la course et de la sécurité des athlètes ». Lui Golian avait déjà fait sourire en évoquant sa surprise quant aux règles du jeu spéciale épidémie – « nous ne nous attendions pas à ne pas pouvoir essuyer la table avec la main ou de souffler sur la balle » – comme si un peu de sueur sur la table pouvait faire perdre une médaille d’or.
Le grand timonier du ping chinois n’a pas osé, tout de même, répété ses propos tenus de mai, quand il avait déclaré que « son sport aurait plus de charme si la Chine ne gagnait pas tout à l’échelle mondiale ». Le CIO, qui a décidé de limiter les quotas à deux participants par épreuve et par pays depuis Rio pour « ouvrir » au moins la médaille de bronze à la concurrence, a dû prendre son pied lundi soir. Les fans chinois beaucoup moins.
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