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Burkina Faso: au Siao, les poupées noires séduisent les Africains

Qu’elles soient décoratives ou ludiques, les poupées noires ne laissent pas le public du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (Siao) indifférent. Une étudiante, Ina Diallo, les découvre pour la «première fois». «Quand j’étais petite, raconte-t-elle à l’AFP, je n’avais que des poupées blanches. C’est bien que des petites Africaines puissent jouer avec des poupées africaines». 

Afrique noire et poupées blanches ont toujours été en quelque sorte la règle. Mais artistes et artisans s’emploient à faire bouger les mentalités. C’est le cas de Charles Maevi, un Togolais vendeur de poupées à la peau noire à Lomé. «Certaines familles disent que ces poupées vont faire peur aux enfants à la maison! Eux-mêmes, depuis qu’ils sont petits, ils sont habitués à voir des poupées blanches! Parfois, il faut leur expliquer, les faire revenir à la raison pour qu’ils achètent», explique-t-il.

«On essaie de changer les mentalités. A un moment donné, il faudrait qu’on consomme ce qui vient de chez nous!», clame l’artisan, expliquant qu’il utilise des produits locaux, notamment des calebasses pour réaliser les têtes de certaines de ses poupées décoratives.

S’identifier à la poupée grâce aux cheveux
Pour confectionner ses poupées noires, la décoratrice Abibou Mare, habituée du salon depuis 1996, utilise elle aussi des produits régionaux: coton, textiles, mousse, calebasses et louches en bois. Ses poupées sont entièrement faites à la main puis habillées avec des pagnes colorés burkinabè, ivoiriens, nigérians ou ghanéens. Ses petites créatures se prénomment Doudoune, Saramani ou Mamouni pour le garçon. La première est par exemple vendue 13.000 francs CFA (20 euros).

Mais «le plus long et le plus difficile» reste la chevelure en laine qui nécessite, en moyenne, une journée entière pour chacune des poupées. «Elles ont les cheveux crépus comme nous. Les jeunes filles peuvent les tresser, leur mettre des chouchous, les natter… Ça commence là ! Les jeunes filles peuvent s’identifier à la poupée», explique Abibou.  «Petite, raconte-t-elle, je n’avais que des poupées blanches en plastique!». «Ma mère ne me donnait souvent que l’emballage pour pas qu’on les abîme. On était beaucoup de frères et soeurs…», poursuit-elle, ajoutant: «Alors, je me suis dit qu’un jour, je ferai des poupées!».
«On jouera toujours à la poupée»
En 2000, cette passionnée fonde Poupemania. Une fabrique de poupées africaines qui est restée florissante jusqu’en 2016, date de la première attaque djihadiste à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Certaines zones de cette ville sont considérées depuis comme des zones rouges par les chancelleries occidentales, lesquelles déconseillent aux touristes de s’y rendre.

Résultat: ses clients habituels, grossistes et professionnels, «ne se déplacent plus au Burkina. Avant, ils visitaient l’atelier et passaient des grosses commandes», regrette-t-elle. Poupemania, qui est passée de 11 à six employés ne peut donc plus fabriquer 50 poupées par jour, même si elles s’exportent en France et au Royaume-Uni notamment. Abibou espère que ses clients reviendront faire leurs emplettes au Siao et que les affaires reprendront car, prédit-elle: «On jouera toujours à la poupée!».