Aussi étonnant que cela puisse paraître, et contrairement à tous les messages d’hygiène véhiculés jusqu’alors, lécher la tétine de son enfant puis lui redonner à sucer aurait des vertus sanitaires! Des chercheurs suédois montrent en effet dans une étude très sérieuse que cette habitude, partagée par bon nombre de parents, préviendrait le risque d’allergie et d’eczéma au moins jusqu’à l’âge de 3ans. Explications.
Lécher la tétine de son enfant le protégerait des allergies et de l'eczéma !
La fréquence des allergies atopiques médiées par les immunoglobulines E (IgE) s’est considérablement accrue au cours du XXème siècle. On ignore la raison de cette tendance, mais l’“hypothèse hygiéniste“, selon laquelle une trop faible exposition des bébés et des jeunes enfants aux microbes accroît le risque d’allergie, est régulièrement évoquée. Actuellement, environ un enfant sur trois en souffre dans les pays riches. Ce type d’allergie résulte d’un défaut lors du développement de la tolérance immunitaire à certaines protéines inhalées ou ingérées, les allergènes.Des chercheurs suédois ont voulu explorer l’hypothèse inverse, jamais explorée, selon laquelle une exposition précoce aux microbes de la bouche conférait une protection contre les allergies. Ils ont pour cela mené une étude sur le lien entre les pratiques en matière d’hygiène des tétines et le risque d’allergie ultérieur de l’enfant.Une cohorte de 184 enfants, dont 80 % avaient au moins l’un de leurs parents allergiques et 75 % utilisaient une tétine, a été incluse dans l’étude. Tous les petits ont été suivis depuis leur naissance jusqu’à leur 18 mois, et 174 d’entre eux jusqu’à leurs 3 ans. A 18 et 36 mois, un quart des bébés avaient un
eczéma et 5 et 8 % un
asthme ; 15 % présentaient des
allergies alimentaires.Interrogés sur leurs habitudes concernant l’hygiène de la tétine, pratiquement tous les parents ont indiqué la rincer sous l’eau du robinet, la moitié d’entre eux la mettre dans de l’eau bouillante, et près de la moitié a reconnu la lécher avant de la redonner à l’enfant.Contre toute attente, les enfants dont les parents “nettoyaient“ la tétine en la léchant avaient un risque nettement moins élevé d’eczéma et d’asthme que ceux dont les parents n’avaient pas cette habitude. Plus globalement, leur risque d’allergie était moindre, reflété par un taux d’éosinophiles sanguin moins élevé. L’effet protecteur du léchage de tétine par les parents perdurait jusqu’au 3 ans des enfants ; pour l’asthme en revanche, les auteurs n’ont pas pu conclure, le nombre de cas étant trop faible.De la même façon que l’
accouchement par voie basse expose le nouveau-né au microbiote vaginal maternel, le partage de la tétine entre parents et enfants, en exposant ces derniers à leur microbiote buccal, pourrait conférer un effet protecteur contre les allergies, suggèrent les chercheurs. D’ailleurs, les enfants nés par voie basse et dont les parents léchaient la tétine présentaient la plus faible prévalence d’eczéma (20 %), tandis que ceux nés pas
césarienne et dont les parents ne mettaient pas la tétine de leur enfant à la bouche avaient la plus forte prévalence (54 %). Pour ceux qui étaient exposés soit au microbiote vaginal de leur mère, soit au microbiote buccal de leurs parents, ce taux était intermédiaire, atteignant 31 %.On peut néanmoins s’interroger sur les risques de contracter d’autres infections, notamment des
infections respiratoires. “Nous n’avons pas trouvé d’accroissement du taux d’infections respiratoires chez les enfants“, assurent les chercheurs. Quant au risque carieux, lié aux bactéries, les auteurs sont là encore rassurants. “Le risque de
caries semble indépendant de l’usage de la tétine et pourrait même avoir un lien négatif avec un contact étroit de la salive entre les tout-petits et leurs parents“.Finalement, “nous démontrons qu’une habitude assez banale des parents, lécher la tétine de son bébé avant de lui rendre, prévient le développement d’un eczéma précoce et des symptômes d’allergie“, probablement par la stimulation immunitaire via le transfert de microbes de la salive des parents à leur enfant, concluent les auteurs.Amélie PelletierSource : “Pacifier cleaning practices and risk of allergy development“, Pediatrics, 6 mai 2013; 131: 1-9 (
téléchargeable sur Internet).